Le Pilot 6: avantage prix
"Un siècle" fait état de ce modèle (p. 66), mais nous n'avions pu vous en fournir de photos. Voici chose faite. Profitons-en pour revenir sur ce curieux reflex direct bas de gamme.
Un modèle premier prix n'est pas forcément un top-niveau auquel on a retiré un certain nombre de dispositifs, même si cela aide. C'est aussi un produit qui, d'emblée, est pensé différemment. Deux exemples typiques en ont été la Citroën 2Cv et la Volkswagen Coccinelle.
Produit avec plusieurs variantes de 1936 au début des hostilités par Kamera Werstätten à Dresde, firme qui fut ensuite connue sous les noms de Praktica et de Pentacon, le Pilot 6 eut moins de succès que le Praktiflex. Il s'agissait d'un véritable reflex mono-objectif, utilisant le rollfilm 120, et doté d'un (petit) objectif anastigmat interchangeable "maison" 4,5/75 en monture à vis (il y eut aussi d'autres objectifs: voir livre). Cette monture était si petite qu'il aurait été un peu fou d'adapter d'autres focales que le 75mm de base, à moins de faire appel à un vrai téléobjectif, c'est à dire à un long foyer à groupe divergent arrière. La mise au point, sur dépoli uni, jusqu'à 1m, déplaçait la lentille frontale de l'objectif.
Le Pilot 6 remplaçait le Reflex-Box de 1933, de format 6x9, également sur film 120, en reprenant le concept de base de celui-ci, le miroir servant aussi d'obturateur. Système à faire dresser les cheveux sur la tête d'un opticien puriste, mais qui avait l'avantage d'une grande simplicité, donc fonctionnait parfaitement (l'exemplaire présenté ici serait en parfait état de marche si on faisait ré-argenter le miroir). En revanche, alors que dans le Reflex-Box le film défilait horizontalement, dans le Pilot 6 il le faisait verticalement, un peu comme dans le Rolleiflex. En somme, c'était une sorte de Rollei dont on aurait supprimé l'objectif de visée et rendu le miroir basculant! Autre différence: le capuchon était rigide, à ouverture conventionnelle (4 volets), alors que dans le Reflex-Box il était en toile et se basculait sur le côté. En outre, le viseur recevait maintenant une loupe. Comme notre table des matières le montre, la face droite du Pilot 6 recevait un viseur sportif extractible. L'appareil était soigneusement fait quand même car il était doté d'un presseur.
Sur ce modèle simpliste, le transport du film n'était pas couplé à l'armement de l'obturateur: on avançait le film via le gros bouton situé en haut et en arrière de la face droite, le contrôle se faisant par fenêtre rouge. Bien sûr, cela permettait toutes les double-expositions, volontaires ou non! Mais il en résultait un appareil très fiable: notre livre indique, a contrario, les violents démêlés entre Karl Nüchterlein, le génial concepteur de l'Exakta, et son rival dans l'entreprise Willy Teubner, ce dernier tenant absolument à coupler armement et avance sur l'Exakta 6x6, disposition qui s'avéra un désastre mécanique. L'armement de l'obturateur-miroir du Pilot 6, donnant les vitesses de 1/20 à 1/200s et la pose B, se faisait par un barillet, que l'on tirait à soi pour régler le temps d'obturation.
Le concept astucieux du Pilot 6 fut repris quasiment à l'identique par les Chinois dans les années 80 avec le Great Wall. L'intérêt du format 6x6 était que les Chinois, ne disposant pas de laboratoire pour agrandir leurs images, regardaient directement la pellicule développée! De son côté, Fujita, au Japon, produisit une réplique du Pilot 6 avec obturateur à rideaux: le Fujita 6x6. Sur ce dernier, l'obturateur était couplé à l'avance du film. Les Fujita font de très jolis (et rares) collectors, mais ils sont exempts de fiabilité. Il y eut enfin les KowaSix, sans puis avec magasin interchangeable, beaucoup plus luxueux, plus volumineux et plus pros, mais à obturation centrale et disposant d'une gamme d'objectifs très alléchante. Mais dont la fiabilité, quoiqu'en progrès par rapport au Fujita, laissait encore beaucoup à désirer
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