Les années 1888-1919: la photographie devient un jeu.
Dans l'immédiat, je vous présente pour cette période deux planches de dessins, dues à Elcet, qui n'ont pas été intégrées dans le livre. D'autres dessins originaux seront ultérieurement intégrés sur ce site.
Chambre "touriste" Chambre stéréo Appareil klapp
Très répandues avant la première guerre mondiale, les chambres "touriste" sont des modèles encombrants destinés à un emploi sur pied. Le corps avant, ici, est solidaire du rail en bois sur lequel coulisse le corps arrière, ce qui fait que l'appareil n'est pas pliant. L'obturateur à rideaux en toile est placé juste derrière l'objectif et son boîtier lui sert de support. La photo en relief ou stéréophotographie, symbole d'innovation, connaît une apogée à cette période: cette chambre stéréo, dotée d'une géométrie de précision, est réservée aux amateurs fortunés. Ses deux objectifs, dont les iris sont accouplés par biélette, sont fixés sur le boîtier d'obturateur. L'armement de celui-ci s'effectue en tournant la clef placée entre eux. Les appareils klapp (1896-1935), dont ce Nettel Deckrullo (1910) est un représentant très apprécié, sont destinés au photo-journalisme à main levée. Leur ergonomie, qui a de quoi faire dresser les cheveux sur la tête aujourd'hui (mise au point intégralement manuelle, viseur à cadre en fil d'acier particulièrement primitif) est contrebalancée par une construction sans faille et une grande simplicité mécanique. L'objectif fait le point par hélicoïdale. L'obturateur à rideaux en toile permet des temps de pose très courts mais son défilement demeure lent: certes, les sujets en mouvement rapide sont figés, mais ils subissent une distorsion importante. La Makina III de la page précédente du site (1930), de format 6,5x9, représente l'ultime stade des klapps: elle bénéficie d'un télémètre couplé et de l'interchangeabilité d'objectif, et sa construction métallique est d'une exemplaire qualité. L'obturateur central, de type moderne, est synchronisé pour le flash. Certaines Makina ont été équipées de dos à rollfilm 120 (55x83mm) ce qui fait qu'on peut même tout à fait s'en servir actuellement avec toutefois l'inconvénient que l'objectif non traité suporte mal les contrejours.
Jumelle Détective Simplex du Dr Krügener
Les jumelles sont des appareils rigides troncôniques destinés à la photo à main levée. Pour satisfaire la demande du marché, il s'en est fait en version stéréo, mais on parle pourtant de jumelles à propos d'appareils à un seul objectif. Ce dernier, monté sur hélicoïdale, est fixé au boîtier de l'obturateur à rideaux en toile. Noter à l'arrière le parallélépipède qui est le magasin à escamoter. Ce magasin permet un remplacement semi-automatique des plaques. Il est resté très en vogue jusque dans les années 1920, car les plaques en verre autorisent une parfaite planéité de l'émulsion. Les détectives sont des gros appareils rigides dont les plaques se remplacent les unes les autres par basculement… mais il en résulte qu'elles se brisent parfois! Aussi, en dépit d'un mécanisme fort ingénieux, les détectives ne résistent pas à la concurrence du magasin à escamoter. Le Dr Krügener, qui a perdu une jambe lors d'un accident, construit un appareil léger: ce Simplex (1889) prend des plaques montées sur une bande de papier pliée en zigzag. Au fur et à mesure de leur exposition, les plaques changent de compartiment. La visée sur dépoli est de type reflex à deux objectifs mais les objectifs ne disposent pas de mise au point.
Reflex bi-objectifs (Ross) Reflex mono-objectif (Loman) Reflex pliant (Newman-Guardia)
Beaucoup plus élaboré, ce reflex bi-objectifs anglais, dû à Ross (vers 1895), se présente comme une sorte d'énorme Rolleiflex en bois: l'objectif de visée, qui permet la mise au point sur dépoli via un miroir fixe, surmonte l'objectif de prise de vues plus petit et doté d'un obturateur central. Une hotte profonde, en cuir, protège l'image des rayons parasites. Le couple d'objectifs se déplace sur crémaillère. Bien que plus avancé dans son principe, ce reflex mono-objectif Loman est encore plus ancien (vers 1890): le miroir mobile, basculant, permet à l'objectif unique de servir alternativement à la visée sur dépoli et à la prise de vues. La partie arrière de ce lointain ancêtre du Hasselblad reçoit les plaques, dans un magasin amovible. Les reflex mono-objectif sont courants avant la première guerre mondiale mais leur prix très élevé et leur technologie futuriste les réserve à des professionnels avant-gardistes (les autres opérant à la chambre), en outre le mouvement très lent du miroir oblige à travailler sur pied. Afin de gagner, sinon du poids, du moins en volume sur ces appareils de très grand format, les constructeurs ont l'idée de rendre les réflex pliants! Plusieurs solutions ont été adoptées. Le miroir mobile doit donc pouvoir prendre trois positions: de repli pour le transport, de visée à 45°, et d'escamotage pour la prise de vues. Le dépoli, horizontal lorsque l'appareil est en situation de travail, doit également pouvoir se replier pour le transport. En effet il est souvent de forme carrée pour permettre les cadrages tant vertical qu'horizontal via un dos arrière rotatif. Ce reflex anglais Newman & Guardia remonte aux années 1920: on lira dans cette décennie l'étude de l'excellent Patent Klappreflex de la firme Ihagee. Mais à partir des années 30, la réduction du format d'image conduit à préférer des reflex fixes, plus rigides, donc plus précis.

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